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.Il resta songeur au bas des marches, sans vraiment vouloir retourner dans la salle à manger, ni dans la cuisine, tout en se sentant l’obligation d’examiner les scènes du crime une fois de plus.La maison vide lui donnait la chair de poule : même en sachant qu’un policier montait la garde à la porte, il s’inquiétait d’être seul à l’intérieur.Il se sentait coupable, coupable d’avoir laissé tomber Charlie.De toute évidence il n’avait pas assez creusé son inconscient pour faire remonter le vrai mystère, le véritable motif caché derrière ses actes abominables.Le meurtre, dans leur lit conjugal, de son épouse qu’il avait affirmé tant aimer ; ensuite, l’action de se couper la main.C’était impensable ! Jeudwine regarda un moment ses mains, le tracé des tendons et des veines bleu-violet sur ses poignets.La police penchait toujours pour la version de l’intrus, mais lui ne doutait pas un instant que Charlie avait accompli le meurtre, la mutilation et tout.Le seul fait très troublant pour Jeudwine, c’était qu’il n’avait pas décelé la moindre tendance à de tels actes chez son patient.Il se rendit dans la salle à manger.Les enquêteurs avaient fini leur travail à l’intérieur de la maison ; il y avait une fine couche de poudre à empreintes sur plusieurs surfaces.Quel miracle que ces différences entre les mains ! N’est-ce pas ? Chacune avec son dessin aussi unique qu’une voix ou un visage ! Il bâilla.Charlie l’avait réveillé par son appel en pleine nuit, et il ne s’était pas rendormi depuis.Il avait regardé Charlie se faire panser et emmener, les enquêteurs vaquer à leurs affaires, l’aube blanchâtre pointer du côté de la Tamise ; il avait bu du café, broyé du noir, il avait fortement songé à démissionner de son poste de médecin psychiatre avant que la presse ne s’empare de l’affaire, il avait bu davantage de café, abandonné l’idée de démission et à présent, désespérant de Freud et de tout autre gourou, il envisageait sérieusement d’écrire un best-seller sur ses relations avec Charles Georges, l’assassin de madame Georges.De cette façon, même s’il perdait son poste, il ferait quelque chose de cette malheureuse affaire.Et Freud ? Un charlatan viennois ! De toute façon, qu’avait-il à dire, ce vieil opiomane ?Il se laissa tomber sur une chaise de la salle à manger et écouta le silence descendu sur la maison, on aurait dit que les murs, sous le choc de ce qu’ils avaient vu, retenaient leur souffle.Peut-être somnola-t-il un instant.Dans son sommeil, il entendit un coup de crocs, rêva de chien et se réveilla ; il vit un chat dans la cuisine, un gros chat noir et blanc.Charlie avait mentionné la petite bête en passant ; comment s’appelait-elle déjà ? Cœur brisé.Mais oui, baptisée ainsi à cause de ses taches noires au-dessus des yeux, qui lui donnaient un air de chagrin perpétuel.Le chat regardait le sang répandu sur le carreau de la cuisine, cherchant apparemment un moyen d’éviter la flaque pour atteindre sa soucoupe sans avoir à se mouiller les pattes dans le beau désordre que son maître avait laissé derrière lui.Jeudwine regarda ce délicat choisir son itinéraire pour traverser la cuisine, et renifler la soucoupe vide.Il ne lui vint pas à l’idée de lui donner à manger.Il détestait les animaux.Bien, décida-t-il, il ne servait pas à grand-chose de rester plus longtemps dans la maison.Il s’était acquitté de tout le repentir voulu ; se sentait aussi coupable que possible.Encore un rapide coup d’œil en haut, juste au cas où il aurait loupé un indice, ensuite il s’en irait.Il venait de redescendre lorsqu’il entendit couiner le chat.Couiner ? Non ! Plutôt hurler comme un cochon qu’on égorge.En entendant le cri, il sentit un froid aussi glacial et fragile qu’un filet de glace lui raidir les reins.Il se hâta de rebrousser chemin de l’entrée vers la salle à manger.La tête du chat, par terre, était roulée par deux… par deux (allez, Jeudwine, dis-le !) deux mains !Il regarda, par-dessus cette comédie, la cuisine, où une douzaine d’autres de ces horreurs se démenaient par terre en tous sens.Il y en avait sur le placard, qui reniflaient partout ; d’autres escaladaient le mur en briques trompe-l’œil pour atteindre la rangée de couteaux à leur clou.« Oh ! Charlie… dit-il doucement, réprimandant le fou en son absence.Qu’avez-vous fait ? »Ses yeux se mirent à déborder de larmes ; non pas pour Charlie, mais pour les générations à venir, quand lui, Jeudwine, ne serait plus.Des générations candides, confiantes, qui croiraient en l’efficacité de Freud et de la Sainte Écriture de la Raison.Il sentit que ses genoux tremblaient, il sombra sur la moquette de la salle à manger, les yeux trop pleins de larmes pour distinguer clairement les rebelles rassemblées autour de lui.Sentant quelque chose d’étranger sur ses genoux, il abaissa son regard : c’étaient ses deux mains à lui.Les index aux ongles manucurés se touchaient.D’un mouvement horriblement lent et déterminé, les index redressèrent leur tête onglée et le regardèrent.Puis ils se tournèrent et se mirent à lui ramper sur la poitrine, trouvant une bonne prise pour les doigts dans les plis de sa veste italienne, ainsi que dans les boutonnières.L’ascension se termina à son cou, de façon abrupte, et la vie de Jeudwine aussi.La main gauche de Charlie avait peur.Elle avait besoin d’être rassurée, encouragée ; en un mot, elle avait besoin de la Droite.Après tout, la Droite avait été le Messie de cette ère nouvelle, elle avait eu la vision d’un avenir sans le corps.Voilà que l’armée levée par la Gauche avait besoin d’un aperçu de cette vision, sinon elle dégénérerait bientôt en une populace sanguinaire
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