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.J’aperçus enfin les barreaux de la grille et le délicieux soleil qui ruisselait dans la cage d’escalier depuis le jardin suspendu et le frémissement des grandes feuilles de colocases qui n’étaient qu’un peu meurtries sur les bords par le froid.Et cette serrure, comment allais-je jamais forcer cette serrure ? J’étais en train de penser aux outils dont j’aurais besoin – si je prenais une petite bombe ? – quand je m’aperçus que je regardais la porte de mon appartement à une quinzaine de mètres de moi, et qu’elle n’était pas fermée.« Ah, mon Dieu, le misérable est venu ici ! murmurai-je.Maudit soit-il, Mojo, il a saccagé ma tanière.»Bien sûr, on pouvait considérer cela comme un signe encourageant.Le misérable était encore en vie ; les autres ne l’avaient pas supprimé.Et je pourrais encore l’attraper ! Mais comment ? Je donnai dans la grille un coup de pied qui déclencha dans toute ma jambe des ondes de douleur.Puis je l’empoignai et la secouai sans merci, mais elle était bien fixée sur ses vieux gonds de fer, comme je l’avais prévu ! Un fantôme sans force tel que Louis n’aurait pas pu la briser, encore moins un mortel.À n’en pas douter, la canaille n’y avait même pas touché mais était entrée comme je le faisais, par la voie des airs.Bon, assez ! Trouve-toi des outils et rapidement.Puis découvre l’étendue des dégâts causés par cette canaille.Je m’apprêtais à tourner les talons, mais juste à cet instant, Mojo se redressa en grondant.Quelqu’un marchait dans l’appartement.Je vis une ombre danser sur le mur du vestibule.Ça n’était pas le Voleur de Corps, cela ne se pouvait pas, Dieu merci.Mais qui alors ?En un instant j’eus la réponse à ma question.David apparut ! Mon beau David, vêtu d’un costume et d’un manteau de tweed sombre, et qui me dévisageait depuis l’autre bout du jardin de son air comme toujours curieux et méfiant.Je ne crois pas avoir jamais été aussi heureux dans ma maudite vie d’avoir vu un autre mortel.Je l’appelai aussitôt par son nom.Puis je déclarai en français que c’était moi, Lestat.Voulait-il ouvrir la grille ?Il ne réagit pas immédiatement.En fait, jamais il ne m’avait paru si digne, si maître de lui ; jamais je ne lui avais trouvé un air aussi profondément élégant de gentleman britannique qu’en cet instant où il me regardait fixement, son étroit visage creusé de rides n’exprimant qu’une muette stupeur.Il contempla le chien.Son regard ensuite revint à moi.Puis, de nouveau, au chien.« David, c’est Lestat, je vous le jure ! criai-je en anglais.C’est le corps du garagiste ! Souvenez-vous de la photographie ! James a réussi son coup, David.Je suis prisonnier de ce corps.Qu’est-ce que je peux vous dire pour vous convaincre de me croire ? David, laissez-moi entrer.»Il restait immobile.Puis tout d’un coup, il avança d’un pas vif et résolu, et il s’arrêta devant la grille, le visage parfaitement impénétrable.J’étais près de m’évanouir de bonheur.Je me cramponnais pourtant des deux mains aux barreaux, comme un prisonnier, et puis je m’aperçus que je le regardais droit dans les yeux – que pour la première fois nous avions la même taille.« David, vous ne savez pas combien je suis heureux de vous voir, poursuivis-je en français.Comment avez-vous réussi à entrer ? David, c’est Lestat.C’est moi.Voyons, vous me croyez.Vous reconnaissez ma voix.David, Dieu et le diable dans le Café de Paris ! Qui d’autre que moi le sait ! »Mais ce ne fut pas à ma voix qu’il réagit ; il me regardait droit dans les yeux et semblait écouter des sons lointains.Puis, brusquement, toute son attitude changea et je lus sur son visage qu’il m’avait reconnu.« Oh ! Dieu soit loué », dit-il avec un léger soupir, très britannique, très poli.Il chercha dans sa poche un petit étui dont il retira aussitôt un bout de métal qu’il inséra dans la serrure.J’ai assez l’habitude du monde pour savoir que c’était quelque outil de cambrioleur.Il m’ouvrit la grille et me tendit les bras.Notre étreinte fut longue, chaleureuse et silencieuse, et je fis de furieux efforts pour ne pas m’abandonner aux larmes.Durant tout ce temps, je n’avais qu’à de très rares occasions touché vraiment cette créature.Mais le moment était chargé d’une émotion qui me prit quelque peu au dépourvu.La douce chaleur de mes étreintes avec Gretchen me revint.Je me sentis en sécurité.Et, l’espace d’un instant peut-être, je n’eus plus l’impression d’être si totalement seul.Mais ce n’était pas le moment de savourer ce soulagement.À regret, je m’écartai et je me dis une fois de plus combien David était magnifique.À vrai dire, il m’impressionnait si fort que j’aurais presque pu croire que j’étais aussi jeune que le corps que j’occupais maintenant.J’avais tant besoin de lui.Toutes les petites flétrissures de l’âge que je percevais naturellement chez lui avec mes yeux de vampire étaient maintenant invisibles.Les rides profondes de son visage semblaient faire partie de son expression, tout comme la paisible lumière qui brillait dans ses yeux.Il me paraissait très vigoureux planté là dans son élégante tenue, la petite chaîne d’or de sa montre étincelant sur son gilet de tweed : il avait l’air si solide, si plein de ressources et si grave.« Vous savez ce que ce salopard a fait, dis-je.Il m’a dupé et puis il m’a laissé là.Et les autres aussi m’ont lâché.Louis, Marius.Ils m’ont tourné le dos.Je suis abandonné dans ce corps, mon ami.Venez, il faut que je voie si le monstre a cambriolé mon appartement.»Je me précipitai vers la porte, entendant à peine les quelques mots qu’il prononçait pour me préciser qu’à son avis on n’avait touché à rien.Il avait raison.Le misérable n’avait rien pillé ! Tout était exactement comme je l’avais laissé, jusqu’à mon vieux manteau de velours accroché à la porte ouverte de la penderie.Il y avait le bloc jaune sur lequel j’avais pris des notes avant mon départ.Et l’ordinateur.Ah ! il fallait que je consulte sans tarder l’ordinateur pour découvrir l’étendue de ses vols.Et mon agent de Paris, le pauvre homme, était peut-être encore en danger.Il me fallait le contacter aussitôt.Mais mon attention fut détournée par la lumière qui se déversait à travers les parois vitrées, par la douce et chaude splendeur du soleil déferlant sur les fauteuils et les canapés sombres et sur le somptueux tapis persan avec son médaillon pâle et ses guirlandes de roses, et même sur les quelques grandes toiles modernes – toutes furieusement abstraites – que j’avais voilà longtemps choisies pour ces murs.Je me sentis frémir à ce spectacle, émerveillé une fois encore de constater que l’éclairage électrique ne pouvait jamais produire cette sensation particulière de bien-être qui m’envahissait maintenant.Je remarquai aussi qu’un feu ronflait dans la grande cheminée carrelée de blanc – à n’en pas douter, grâce à David – et qu’une odeur de café venait de la cuisine voisine, une pièce dans laquelle j’avais à peine mis les pieds durant les années où j’avais habité cet endroit
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